La rubrique « Les Rencontres » a pour objectif de nous faire découvrir petit à petit les parcours et les points de vue des professionnels qui font fonctionner l’entreprise VPauto. Elle a aussi vocation à nous faire découvrir le point de vue des acheteurs, novices ou fidèles, qui auront à cœur de partager leur expérience dans le monde des enchères automobiles.
Dirigeant de VPauto, François-Laurent Guignard est un chef d’entreprise dynamique et un commissaire-priseur réputé pour mener ses ventes avec humour et énergie. En discutant avec lui, nous avons pu revenir sur les grandes étapes de son parcours professionnel et nous avons même, au passage, récolté quelques conseils.
Pouvez-vous nous expliquer le parcours qui vous a amené à être commissaire-priseur dans le monde de l’automobile ?
FLG : En fait c’est très simple. Quand je suis arrivé à Lorient j’étais déjà commissaire-priseur… et les commissaires-priseurs sont normalement censés s’intéresser aux objets d’art et à tout ce qui s’achète, du moins tout ce qui se vend, notamment aux enchères. Donc les objets d’art étaient évidemment mon centre d’intérêt premier. Mais j’ai trouvé que c’était très intéressant de lancer un concept spécifique autour de l’automobile, d’autant que ça n’existait pas en Bretagne.
Et ça a démarré de façon extraordinaire ! La Bretagne ne demandait que ça … Et comme c’est un des meilleurs marchés de véhicules d’occasion, ça a tout de suite très vite démarré et ça a pris beaucoup d’expansion. Une expansion que je n’imaginais pas, je pensais faire ça accessoirement. Et d’accessoire c’est devenu essentiel, et c’est maintenant devenu unique.
Jusqu’à la réforme du métier en 2002 je menais mes deux activités de front et j’avais des collaborateurs spécialisés pour chaque partie. Pour ma part je faisais les inventaires. C’est ce que trouve de plus passionnant dans le métier de commissaire-priseur : une fois entré dans une maison, on doit répertorier les objets et trouver ceux qui sont dignes d’intérêt. C’est comme ça que j’ai trouvé un jour un tableau de Caillebotte, un des grands peintres impressionniste. A l’époque nous l’avions vendu pour une somme très importante, 3 millions de francs. Enfin aujourd’hui ce serait 3 millions d’euros.
Comme je le disais tout à l’heure, il y a eu une réforme de la profession en 2002. A cette époque, je n’avais plus le temps de m’occuper de la partie traditionnelle du métier et c’est qui m’a amené à choisir. Je me suis donc concentré sur l’automobile.
Trouvez-vous des similarités entre la vente de voitures aux enchères et la vente d’objet d’arts ?
FLG : Les voitures c’est un monde plus bordé. Alors malheureusement je n’ai jamais trouvé de Bugatti dans une grange. Ça c’est l’exception. Dans le domaine on a peu de chances de tomber sur une voiture qu’on n’a jamais vue. Un jour j’ai quand même trouvé une DB Panhard qui avait fait Le Mans, mais elle était emmurée et je n’ai jamais pu la vendre.
La vente aux enchères de voitures de collections ne vous a jamais intéressé ?
FLG : Non c’est parce que c’est un métier très particulier, il faut très bien connaître les voitures et puis objectivement il y a une ou deux maisons de vente en France qui font ça très bien. A l’époque j’avais été voir ce qui se passait sur le marché, mais c’est vraiment très, très particulier.
Quelle est la plus grosse partie de votre travail au quotidien à l’heure actuelle ? Qu’est-ce que vous faites le plus ?
FLG : Le plus gros travail, à part réfléchir au développement de l’activité et à la prise de contacts avec les sociétés, c’est d’être toujours dans le marché, c’est-à-dire d’être capable d’appréhender les tendances de prix. Il faut donc en permanence être capable de chiffrer les voitures, de les estimer, et de savoir si le marché va à la hausse ou à la baisse. Cela représente aujourd’hui 60% de mon temps.
Concrètement, je regarde les résultats de vente, j’analyse les voitures, je regarde les voitures, je chiffre les voitures et je mène la vente. En fait, le métier de commissaire-priseur c’est évidemment vendre aux enchères mais avant tout c’est « priser », priseur veut dire être capable d’estimer. Mon travail est donc, et je le répète, de savoir bien estimer un bien, un véhicule en l’occurrence, pour qu’il soit en conformité avec la réalité du marché donc avec les prix du marché. Ça ne sert à rien de proposer 100 sur une voiture si elle ne vaut que 50, elle ne se vendra pas. Il faut donc toujours essayer d’être dans le prix le plus juste. C’est ce que nous essayons de faire et c’est le message que je souhaite faire passer aux personnes avec qui je travaille.
Aujourd’hui nous avons beaucoup professionnalisé notre activité et le niveau des gens qui font le métier est très bon. On ne peut pas bricoler dans cette activité : il faut être très, très professionnel. Il faut que les gens comprennent que nous sommes sur l’analyse permanente du prix. Nous devons être pertinents pour chaque véhicule proposé.
De quoi êtes-vous le plus fier dans votre entreprise ?
FLG : De mon équipe ! (rire)… je suis fier de mes collaborateurs parce que je pense que c’est une équipe qui fonctionne, qu’il y a des gens vraiment très bien, et que de manière générale il y a une bonne entente entre elles : ils n’ont pas l’air totalement malheureux de travailler là et c’est ça qui est le plus réjouissant ! Après évidemment mon souci est est de faire progresser l’entreprise, de la faire évoluer. Et aujourd’hui elle doit évoluer très vite. J’espère donc qu’il n’y aura jamais de conclusion et que l’entreprise sera toujours capable d’évoluer et de changer. Nous pouvons même faire changer le métier.
En ce moment nous sommes vraiment dans une mutation exceptionnelle grâce à internet. Grâce et/ou à cause d’internet mais moi je pense que c’est plutôt grâce… Les clients sont demandeurs et voudraient même encore accélérer le mouvement ! Et même si nous sommes une petite entreprise de province je crois que nous avons une bonne connaissance internet et surtout que nous avons l’envie d’apprendre et d’inventer. Je pense que tout se fait par l’envie. Actuellement la période est difficile et nous sommes dans une mutation totale. Nous sommes en train de passer du 100 % physique à 80% de ventes internet et le mouvement se ressent nettement au quotidien… il faut donc prendre le virage et bien l’aborder… et ça ne se fait qu’avec l’accord de l’ensemble des gens qui travaillent dans la société. On ne fait pas ça tout seul. Je pense qu’il y a toujours plus d’idée dans dix têtes que dans une seule. Dans une entreprise, chacun apporte sa contribution, sa pierre, quelques soit le métier ou quelques soit l’importance du job.
Quel souvenir vous a le plus marqué dans la vente aux enchères ?
FLG : Un de mes souvenirs les plus drôles n’a rien à voir avec la voiture, mais c’est une histoire de fou. En voiture il y a toujours des bons moments, des moments rigolos, mais ce sont plutôt des instants. La vente la plus extraordinaire que j’ai vu et à laquelle j’ai participé, puisque j’en étais finalement aussi acteur, c’est la vente d’une commode Louis XIV.
Une commode qui sortait d’un appartement et que j’avais estimé à l’époque environ 75 000 euros. L’expert m’avait dit « Mon cher monsieur vous n’y connaissez rien, ça ne vaut pas du tout 75 000 euros, ça vaut à peu près le tiers. 15 000 à 18 000 euros. ». J’ai donc appelé les gens qui m’avaient confiés la commode en leur expliquant la situation, mais eux m’ont répondu: « Ecoutez, on vous fait confiance, vous vendez ! ». Donc je présente la commode à la vente, où il y avait un monde fou et on commence les enchères. Et je commence avec la commode, pour 18 000 euros. 18, 19 et puis progressivement on arrive à 75 000 euros. Je fais donc un petit clin d’œil à l’expert. Je me prépare à taper, satisfait puisque j’étais arrivé proche à mon estimation. Et au moment où le marteau allait tomber sur le socle, l’expert me rattrape la main et me dit « Attendez ne bougez pas, les enchères vont repartir ! ». (Pause). Et effectivement, les enchères sont reparties. Et résultat, la commode a été adjugée 180 000 euros. Plus du double !
Evidemment c’est un très très bon souvenir.
Pour les voitures il y a un peu moins ce côté sentimental. Ceci étant on est heureux quand les gens éclatent de joie parce qu’ils ont eu la voiture qu’ils ne pensaient pas avoir ou qu’ils l’ont eu moins cher qu’ils l’espéraient. Cela fait partie des bons moments.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs ?
FLG : Plongez ! Il faut y aller. Il faut être prêt à toutes les plus grandes folies quand on veut entreprendre, il faut avoir du courage!
Il faut évidemment bien réfléchir avant de se lancer, mais pas trop longtemps non plus. Il faut se dire que dans la vie, on a des opportunités. C’est la différence entre les gens qui avancent et ceux qui n’avancent pas, les gens qui avancent ce sont des gens qui ont su saisir des opportunités. Et si les jeunes souhaitent entreprendre demain, si ils sentent une opportunité, ils avanceront et ils auront 99% de chances de réussir. Parce qu’ils auront la volonté de le faire et la volonté d’avancer. Il faut jeter les dés.
Et puis et surtout il faut avoir de la méthode, de la méthode et de la méthode. On peut partir tous azimuts une fois l’affaire structurée. En ce moment, nous traitons beaucoup de problématiques en même temps, parce qu’il y a eu une évolution du marché qui a été excessivement rapide. Il faut donc coller au rythme du marché et il est nécessaire qu’il y ait une réelle structure qui soit là, qui existe. Donc si on a une bonne l’étoile, qu’on se sent prêt, il faut foncer ! Et se structurer.
Il ne faut pas non plus se lancer sans un minimum d’investissement, pour avoir toujours une marge de manœuvre et ne pas être embarqué par le premier coup de vent, ça c’est aussi important, ça fait partie de la création. Surtout, si un jour vous croyez dans une idée il faut la tenter : sinon vous serez toujours frustré de ne pas le faire ou de ne pas l’avoir fait !
Propos Recueillis par F.Sallic
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